C’est lundi, c’est ravioli.
Sur notre blog, le lundi, c’est le jour de l’infographie.
Parce qu’une bonne illustration permet de comprendre des concepts parfois plus difficiles à expliquer avec des mots.
Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à une thèse très populaire chez certains partisans de la gestion active : la gestion indicielle serait une gigantesque « bulle ». Qui, comme toute bulle, finira par éclater.
La gestion indicielle ne cherche pas à battre un indice (par exemple le CAC 40 pour les grandes valeurs françaises, le MSCI Europe pour les grandes et moyennes capitalisations européennes, le S&P500 pour les grandes valeurs américaines, le MSCI ACWI pour les grandes et moyennes valeurs du monde entier, développé comme émergent).
La gestion indicielle se « contente » de répliquer la performance de l’indice qu’elle suit aussi fidèlement que possible, et en général pour des frais très inférieurs à ceux de la gestion active, celle qui cherche à battre l’indice1.
Et la gestion indicielle plaît, puisque depuis 2008, près de 1500 milliards de dollars ont migré aux Eatts-Unis de la gestion active vers la gestion indicielle.
Les investisseurs ayant entrepris cette grande migration ont ainsi économisé des centaines de millions de dollars de frais.
La gestion indicielle serait donc une bulle.
Nir Kaissar2 ne croit pas une seconde à la fable de la bulle indicielle.
Il rappelle que la gestion indicielle est un véhicule pour placer son argent, pas un placement. Il y a eu une bulle des valeurs internet à la fin du siècle dernier, ou une bulle sur le bitcoin plus récemment.
Pour démontrer qu’il n’y a pas de bulle, Kaissar raisonne par l’absurde : si la gestion indicielle est bien une bulle, alors il est facile pour les gérants actifs de garder collectivement la tête froide et ne pas succomber aux délices de ladite bulle. Par exemple en se tenant soigneusement à l’écart des valeurs trop chères.
Kaissar a donc comparé les ratios de valorisation des portefeuilles des fonds actions Etats-Unis gérés activement (en bleu dans l’infographie) à ceux de l’indice Russell 3000 (en noir), représentatif des grandes, moyennes et petites capitalisations américaines.
S’il y a une bulle indicielle et si les gérants actifs sont des gens sérieux, alors leurs portefeuilles doivent être moins « chers » que l’indice.
Pour évaluer la cherté, Nir Kaissar a utilisé des ratios usuels3 : cours/actif net (Price-to-Book dans l’infographie), cours/chiffre d’affaires (Price-to-Sales), cours/résultat (Price-to-Book) et cours/cash flow (Price-to-Cash Flow) : plus ces ratios sont élevés, plus la valorisation est élevée.
Dans un monde de bulle indicielle, les ratios de valorisation de la collectivité des gérants actifs devraient donc être inférieurs à ceux de l’indice.
Caramba, encore raté !
- Le ratio cours/actif net de la collectivité des gérants actifs est de 3,4, contre 3,2 pour l’indice.
- Le ratio cours/chiffre d’affaires de la collectivité des gérants actifs est de 2,2, contre 2,1 pour l’indice.
- Le ratio cours/résultat de la collectivité des gérants actifs est de 21,1, contre 21 pour l’indice.
- Et le ratio cours/cash flow de la collectivité des gérants actifs est de 13,9, contre 13 pour l’indice.
Quel que soit le ratio de valorisation, la communauté des gérants actifs a un portefeuille plus cher que celui de l’indice.
La pseudo bulle indicielle a permis aux investisseurs s’exposant aux marchés financiers via des véhicules indiciels à bas coûts de faire des économies massives de frais de gestion. Ces frais économisés correspondent à une perte de chiffre d’affaires pour les gérants actifs.
Que cette « bulle » continue d’enfler aussi longtemps que possible, pour le plus grand bonheur des investisseurs4.
L’infographie du lundi est extraite d’un article de Nir Kaissar paru sur le site de Bloomberg, « Stock-pickers are imagining an index bubble« .
- Certains fonds indiciels sont très chers. Indiciel ne rime pas toujours avec bon marché.
- Kaissar est le fondateur de Unison Advisors aux Etats-Unis. Il est également chroniqueur pour l’agence de presse Bloomberg.
- En s’appuyant sur des données de Morningstar.
- Je reprends les termes de l’excellent journaliste du Financial Times, Robin Wigglesworth, dans un récent article intitulé « Why the index fund ‘bubble’ should be applauded« , soit « Pourquoi il faut applaudir à la « bulle » des fonds indiciels ».